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samedi 15 novembre 2014
L’héritage malsain des milices
Première partie
Par Jacques Casimir (Pasteur D’Amoulio)
majac14 chez hotmail.com
Avant propos : Nous continuons notre route pour chercher et comprendre l’origine de certains groupes et certaines institutions qui ont hanté et qui continuent encore de hanter notre mémoire collective. Il n’est pas toujours facile d’accepter que l’on nous met face à notre histoire. Il est normal que certaines révélations créent remous et scandales. Nous savons à quel point que l’on s’accroche souvent sans réfléchir, sans analyser, sans questionner et même parfois sans s’en rendre compte à ce que l’on croit être vrai, surtout si on vous martèle ce même discours au quotidien pendant plusieurs siècles. Pour nos détracteurs il est intolérable qu’une nouvelle génération d’historien remette en cause ce qui a été dit en apportant des preuves pour contrecarrer la falsification.
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Le pays ce n’est pas un héritage que nous avons obtenu de nos ancêtres mais un emprunt que nous faisons de nos enfants. Cet emprunt nous devons le rendre avec une mémoire lavée de falsifications et de mensonges en leurs léguant la vérité. Si l’on ne peut juger de l’authenticité de faits historiques qu’avec le temps, ces deux derniers siècles ont pu trancher et apporter la lumière grâce à des découvertes, des archives et des documents écrits par nos prédécesseurs.
Après la mort de Dessalines, l’armée et les milices ont toujours été parmi les principaux facteurs d’un état de déstabilisation permanent qui a conduit au sous-développement d’Haïti. Tout d’abord nous allons commencer avec l’histoire des milices pour comprendre d’où nous avons hérité cette malédiction.
Dès le début de la colonisation française il y a toujours eu des milices, mais ces groupes paramilitaires ont atteint leur apogée à partir de 1679. En effet, malgré le traité de Nimègue signé avec le roi d’Espagne le 5 février 1679 mettant fin à six années de guerre, Louis XIV autorise son gouverneur à Saint-Domingue Jacques Nepveu, sieur de Pouancey, à armer les flibustiers. Le pillage des Espagnols, par mer et par terre, pouvait continuer .Plus tard en 1802 Dessalines dira :« La parole française est toujours sujette à caution. » Cette réalité historique confirme encore une fois qu’il n’avait pas tort. REF : 1) Le traité de Nimègue (Pays-Bas actuel) signé entre Louis XIV et Charles II roi d’Espagne Sources : Déclarations de Pierre Bréha et Julien Dejon, du 19 octobre 1685.REF : Auteur Alexandre Olivier Exquemelin, Titre Histoire des flibustiers qui se sont signalés dans les indes de l’ouest ( Paris 1699 ),
Pourquoi les milices ? Il y a eu une rivalité sourde entre les grands planteurs résidant à Paris et les grands planteurs propriétaires vivant à Saint-Domingue. Rivalité également entre petits et grands blancs, entre la population des villes et bourgs et celle des campagnes. Tous sont cependant unis par un orgueil de race, sauf à s’arroger illégitimement la noblesse pour accentuer cette différence irréductible entre les grands blancs et les petits. Puis entre blancs et mulâtres, ces derniers considérés comme parias. Ils sont maintenus dans des quartiers spéciaux, sont exclus des charges civiles et militaires, des professions libérales, ils ne peuvent contracter mariage avec un blanc. Ils sont contrariés en tout. REF : Auteur Moreau de Saint Rémy Titre Un colon rapatrié
Comment fonctionnaient les milices de Saint-Domingue ? Le mot milice vient du latin mile qui signifie soldat. C’est à partir de ce terme que vient le mot militaire. Ce n’est pas une armée, c’est une sorte de troupe officieuse,
Généralement manipulée par les états ou des chefs d’états et les gens fortunés qui opèrent en dehors de la légalité institutionnelle. Voici deux exemples flagrants de mercenaires au service de l’état:1)Les corsaires sont des civils qui, en temps de guerre et sur autorisation des autorités, combattent d’une façon indépendante avec un statut équivalent aux militaires mais sans être soumis à l’autorité d’un état-major, tout en obéissant aux lois de la guerre. C’est ce que nous appelons la piraterie d’état .Ils sont munis des lettres de marques décernés par les gouvernements ce qui les évitaient la pendaison quand ils se font capturer par les marines de leur propre pays.2)Vers 1789 Louis Antoine de Thomassin gouverneur de Saint-Domingue utilise les milices pour mater et attaquer les députés qui voulaient ouvrir les ports de la colonie aux navires de commerce étrangers REF : Auteur Alain Berbouche Titre Pirates ,flibustiers et corsaires ( Pascal Galodé éditeur) REF:Auteur Louis-Joseph Janvier REF : Auteur Boissonade.P Titre Saint-Domingue à la veille de la révolution et la question de la représentation coloniale aux états généraux (janvier 1788 -juillet 1789 Geuthner Paris 1906.
Généralement l’accès à ces groupes paramilitaires exigent une obéissance aveugle aux ordres et de passer à travers un grand nombre de culte.Ces rituels permettent de traverser les siècles sans remise en question. C’est le cas pour les sociétés secrètes et les milices.
À qui cela profitait ? Cette anarchie généralisée profitait à toutes les classes de la société coloniale.1) Avec la bénédiction des gouverneurs de St-Domingue, les grands planteurs pouvaient se faire la guerre par personne interposée .2) les petits blancs pouvaient chasser les mulâtres et saisir arbitrairement leurs propriétés 3) Les mulâtres s’alliaient des fois aux grands propriétaires contre les petits blancs et aux petits blancs contre les esclaves. Ce sont ces associations que les sociologues appellent les alliances de raison et de survie.4)Enfin les esclaves pouvaient espérer à la liberté, beaucoup d’entre eux se sont faits affranchis pour services rendus et ils profitaient de leur nouveau statu pour se rebeller et se battre contre les 3 autres classes sociales. L’expédition de 1802 du général Leclerc avait pour mission 1 mâter la rébellion des esclaves , 2) rétablir l’ordre dans les rang des colons en supprimant et en désarmant les milices REF:Auteure Florence Gauthier Titre révoltes et révolutions de 1773 à 1804( S.Bianchi éditeur Paris) 2) REF : Auteur Pamphile de Lacroix Titre mémoire pour servir à l’histoire de la révolution de Saint-Domingue Tome I Paris 1819
Le dicton créole qui dit : Dépi nan Guinen nèg rayi nèg traduction Depuis la Guinée les nègres détestent les nègres, pour expliquer la désunion entre haïtiens et nous convaincre que nos mauvaises habitudes sont originaires d’Afrique viennent de tomber.Ces faits historiques nous démontrent l’origine de toutes ces querelles et cette mésentente sociale qui perdurent encore aujourd’hui dans l’île.
Après l’indépendance, Dessalines avait compris que les milices étaient des éléments déstabilisateurs qui créaient l’anarchie, le sous-développement et qui empêchaient le bon fonctionnement de l’état. Face à cette leçon tirée de l’époque coloniale. Il a aboli les groupes armés et les a combattu vigoureusement. Il a fait enchâssé dans la première constitution d’Haïti l’article 28 qui stipule ceci :
Article 28 L’Empereur ni aucun de ses successeurs n’aura le droit dans aucun cas et sous aucun prétexte que ce soit de s’entourer d’aucun corps particulier et privilégié à titre de garde d’honneur ou sous tout autre dénomination.
À titre d’exemple : Le décret du 24 juillet 1805 qui énonce ceci : Toute propriété ayant appartenu à des colons français doit être confisquée et redistribuée au peuple
Face à cette menace de réforme agraire, les noirs clairs du sud (mulâtres) contrevenaient à la loi, par l’intermédiaire de Germain Picot, ils formèrent la milice de la ravine du sud en août 1805 .Ils voulaient garder les grands domaines coloniaux et se révoltèrent contre l’empire. Dessalines n’avait pas d’autres choix que de mâter la rébellion. C’est ce que les falsificateurs ne vous disent pas. Au contraire, ils prêtent ces paroles à l’Empereur qui selon eux avait dit :« D’après ce que je viens de faire dans le sud, si les citoyens ne se soulèvent pas c’est qu’ils ne sont pas des hommes. »
Questions : Comment Dessalines pouvait inciter des gens à se révolter contre lui ? 2) Pourquoi en étant un farouche opposant aux milices inciterait-il à créer ces groupes armées pour contester son autorité ?
La première constitution fut signée par tous les généraux qui ont fait l’indépendance d’Haïti. Mais à la mort de l’empereur, une fois devenu président, Alexandre Pétion fonda la cavalerie d’honneur qui est devenue sa milice personnelle. Ce qui est en total désaccord avec cette loi fondamentale qu’il a signé. De ce fait, il fut le premier Président à violer la constitution d’Haïti en fondant la première milice étatique d’Haïti libre, ouvrant ainsi la voie a toutes les dérives . De la milice boukman de 1816 ,en passant par les Cacos, les piquets, l’armée cannibale, les cocos rat, gnb, frap, les chimères etc et le plus sanglants et le plus tristement célèbre les tontons macoutes : 1)REF : Auteur Louis- Joseph Janvier, Titre Les constitutions d’Haïti (1805- 1885)Tome I, Éditions Flammarion, Paris 1886 )Janvier 2)Voir Les archives de la présidence Haïtienne .Les décrets du Président Alexandre Pétion (1807-1809 ) 3) Auteur : Louis Joseph Janvier Titre : Du gouvernement civil en Haiti (Le Bigot frères éditeur Lille, France 1905 -2 volumes)
Certaines sources non confirmées affirment que le général Bonnet avait averti Pétion que les généraux voulaient le renverser. Nos recherches se poursuivent pour confirmer cette thèse. Est-ce cela qui l’a poussé à violer la constitution qu’il a signé ? Était-il conscient des conséquences de ce geste pour l’avenir du pays ? Comme le disait Mencius contemporain de Confucius : La logique des circonstances est toujours plus fort que la logique des intentions. »Était-il vraiment forcé de poser ce geste qui a conduit le pays à la catastrophe ? C’est à toutes ces questions que nous allons répondre dans nos prochaines chroniques.
Beaucoup de citoyens qui se sont émancipés grâce aux groupes armées coloniales ont saisi l’occasion pour renouer avec ces gangs de hors la loi dès que le président Alexandre Pétion Fonda par décret la cavalerie d’honneur. Actuellement, beaucoup de familles sont et restent membres des milices. Peu importe le gouvernement en place ils prêtent allégeance. C’est une façon pour eux de garder l’autorité, le pouvoir, l’argent ,un statu social et vivre perpétuellement dans le gaspillage au crochet de l’état. Cette malédiction héritée de l’époque coloniale s’éternise encore et sous différentes formes.
Quoi que l’on fasse,quoi que l’on cache, rien ne pourra arrêter la marche de l’histoire
Recherche No JCAS 7007-P337
Amen Amen Jacques Casimir (Pasteur D’Amoulio)
majac14 chez hotmail.com
À suivre
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